La quête de sens et son lien avec le bonheur
Chacun de nous est conscient du temps qui passe et aimerait bien en faire bon usage pour lui-même comme pour ses semblables. N’est-ce pas là un défi en lien direct avec notre recherche du bonheur?
Le bouddhisme nous incite à avoir le courage d’accomplir des actes positifs, notamment pour combattre la paresse, l’un des cinq obstacles à l’éveil de l’âme. Parmi les Pāramitās, ou vertus transcendantes, l’énergie vigilante est présentée comme l’antidote à la paresse. L’enseignement bouddhiste, quant à l’urgence d’être vigilant et de passer à l’essentiel, est assez clair et draconien :
Assurément, ce point de vue trouve ses sources dans la culture orientale, dans des contrées où les sciences méditatives nous sont plus familières. Mais dans notre contexte, que répondrait un Occidental axé sur la performance si je lui disais de laisser tomber ses projets pour se tourner vers ce qui donne un sens à l’existence? Et que dirait-il si j’allais plus loin en affirmant que ce serait de la paresse de ne pas le faire? Il y a fort à parier que cet individu me dirait que ce sont de bien beaux préceptes, mais que leur mise en pratique au quotidien est quasi impossible. Il serait bien démuni quant à savoir comment s’y prendre. Il se pourrait même qu’il précise que la majorité des gens n’ont ni le temps, ni les moyens, ni la connaissance pour faire passer l’essentiel avant le détail. Cela n’empêche pas qu’il puisse manifester un grand respect vis-à-vis de l’enseignement oriental. D’ailleurs la majorité d’entre nous, Occidentaux, aimerions bien découvrir de telles approches millénaires génératrices de calme, de bien-être et de plénitude.
Ne sommes-nous pas souvent pris au dépourvu lorsqu’il s’agit de faire preuve de discernement face aux innombrables obligations et contingences qui ne nous laissent que peu de marge de manœuvre? Cette question en amène une autre, à savoir comment arriver concrètement à diriger le cours de notre vie dans une direction qui nous convienne mieux. Nous sommes ouverts à de nouveaux préceptes, à la condition qu’ils se prêtent bien à notre réalité. Cette problématique me semble plus présente en Occident.
Je m’adresse donc principalement aux personnes actives, ayant des intérêts multiples et aux prises avec des contraintes — de performance, mais surtout de temps. Et à bien y penser, ceci est sans égard à l’endroit où elles vivent, que ce soit en Orient ou en Occident. Sur ces questions, il y a un large bassin de la population qui partage des enjeux et des intérêts communs; le désir de livrer un travail de qualité dans le temps imparti en est un. Atteindre un certain confort au travail et y être heureux en est un autre. La question déborde d’ailleurs largement le seul souci de bien travailler de façon agréable; car en réalité, c’est de l’ensemble de la vie dont il s’agit. L’ensemble de ces aspirations forment un tout. Qu’elles soient d’ordre philosophique ou simplement pratique, elles sont légitimes et méritent qu’on s’y intéresse.
Dans une large mesure, j’ai la conviction que la recherche du bonheur passe par des actions liées à cette intention. Lorsqu’il s’agit de savoir comment s’y prendre pour se réaliser, on trouve facilement une kyrielle d’ouvrages prodiguant les meilleurs conseils. Pour l’aspect pratique, on ira plutôt vers des outils d’organisation, notamment ceux dédiés à la gestion du temps. D’une part, nous soignons notre âme et, d’autre part, nous veillons aux aspects techniques et organisationnels.
Cependant, malgré nos bonnes intentions, nous pouvons éprouver des difficultés à faire converger notre façon de mener nos activités et notre recherche du bonheur. D’ailleurs, c’est souvent en des lieux et des moments différents que nous abordons ces deux aspects de notre vie. Par exemple, le soir, on lira un livre sur la façon d’appréhender l’existence alors qu’on aura travaillé toute la journée dans un tout autre état d’esprit, en faisant de son mieux pour être efficace, mais en mettant un peu en veilleuse l’objectif ultime d’être heureux. Ce travail est peut-être payant, mais stressant et insatisfaisant. La vie nous a conduits là où nous sommes; en conséquence de nos prises de décisions et des multiples événements qui ont jalonné notre parcours. Le but que nous poursuivions, s’il en était un, a du mal à se réaliser. Le sens que nous voulons donner à notre vie ne suit pas, car il s’incarne difficilement dans notre quotidien.
Or, il se trouve que la souffrance et les difficultés sont plus facilement surmontées lorsqu’on s’est fixé un but. Au dire de Matthieu Ricard, moine bouddhiste, le grimpeur qui s’est donné comme but d’atteindre le sommet supportera plus facilement la grêle et le froid ou toute autre difficulté qui, inévitablement, se présentera. Quant à la psychologue de renom, Ariane Bilheran, elle a beaucoup traité des conséquences du vide de sens sur notre bien-être :
Les propos de la psychologue Bilheran m’amènent à penser que notre emploi du temps serait lié à la quête de sens. Bien sûr, cette question existentielle du lien entre nos actions et le sens de notre vie n’est pas simple. D’ailleurs, rassurez-vous, ce n’est pas mon intention d’y répondre, quoique… Partons du point de vue tout bête que la vie n’est qu’un enchaînement de journées succédant les unes aux autres et ne se vivant qu’une à la fois. De là, pensons à ce qu’est un agenda : un outil, en apparence, insignifiant, où sont consignés des événements. Et si, au contraire, nous le considérions comme signifiant, comme un puissant lieu de création, comme un élément de solution vis-à-vis de cette quête de sens? Les rendez-vous chez le dentiste peuvent très bien y côtoyer les préparatifs d’un voyage longuement mûri. C’est d’ailleurs le défi. Arriver à ce que nos rêves et nos grandes aspirations prennent racine et s’incarnent au quotidien. L’agenda devient un endroit où on va réfléchir à notre avenir et où se programment des événements qui en découlent.
À partir du moment où nous percevons notre agenda comme un lieu de pouvoir, nous pouvons nous demander, concrètement, le pouvoir de faire quoi au juste? Peut-être est-ce celui de faire émerger la nature véritable de notre être en devenir? Et si nous allons dans cette direction, viennent ensuite d’autres questions : Comment procéder pour définir ce que nous voulons devenir? Qu’est-ce qui nous en empêche? Comment pourrions-nous nous réaliser à travers nos actions quotidiennes? Pourquoi n’y arrivons-nous pas?
Par ailleurs, ce que nous inscrivons à l’agenda naît d’une fine synergie entre notre outil et nos pensées. Il m’apparaît évident que ce contenu résulte tout autant du médium employé que des processus mentaux. Voyons d’abord l’outil.
L’utilisation d’un agenda papier versus un agenda électronique n’aura pas le même impact sur notre vie. « Oh! moi, je me contente d’un agenda papier. Ça me suffit.», dira-t-on. Cela est possible. Toutefois, il y aura une différence; qu’elle soit petite ou grande, il y en aura une, c’est certain. Il fut un temps où le cheval suffisait amplement pour aller au village. Nul besoin d’automobile alors. Peut-être qu’à une certaine époque, l’avantage de l’automobile était mince, mais aujourd’hui il est incontestable. Le contenu et la qualité d’une planification sont donc tributaires des moyens concrets par lesquels elle s’effectue. À l’ère numérique, la trame de notre existence se tisse à travers des contingences d’une complexité grandissante et l’adoption d’outils plus sophistiqués gagnera inévitablement en popularité.
Quant aux processus mentaux, je suis d’avis que, lorsqu’il s’agit d’organiser nos activités, ils sont certainement tout aussi déterminants que l’est l’outil lui-même. Par l’expression processus mentaux, je réfère aux analyses que nous menons, à notre capacité de concentration, à notre habileté à traiter plusieurs sujets à la fois, bref, à notre façon de réfléchir et d’interagir. Donc, les choix que nous effectuons sont fortement dépendants de la mécanique de notre esprit. Et cette mécanique est très sensible aux outils que nous utilisons et tributaire de notre état physique et mental. Cela étant, il m’apparaît justifié de consacrer des efforts pour inventer un agenda électronique qui s’harmonise le plus possible avec le fonctionnement naturel de notre cerveau et, de façon élargie, avec les humains que nous sommes. En clair, il faut non seulement réinventer l’agenda, mais aussi imaginer des façons saines et efficaces de s’en servir.
Il se peut que vous trouviez tout cela très théorique et vouliez un exemple précis de ce qu’est un tel processus. Ce genre d’exercice s’apparente peut-être à celui que vous faites en fin d’année et qui vous mène aux résolutions du jour de l’An.
L’utilisation d’un agenda électronique ne se réduit donc plus à placer des événements dans des cases horaires. D’ailleurs, la transition de l’agenda papier vers la version numérique a fait éclater le format classique établi. D’une part, l’informatique introduit toutes sortes de fonctionnalités nouvelles à l’intérieur d’une application de gestion de temps et, d’autre part, elle permet à l’application d’interagir avec l’ensemble de notre univers numérique. Remarquez que l’expression agenda électronique cède de plus en plus la place à l’expression application de gestion de temps. La relation avec l’outil est devenue beaucoup plus dynamique. En effet, les événements se déplacent plus facilement, les rappels sonores sont possibles, les informations peuvent être partagées, etc. Mais ce qui, à mon avis, compte parmi les éléments les plus intéressants, est le fait qu’il permette de mener des analyses, d’organiser nos idées et de faire émerger du sens.
Comme le cheval pour le transport, l’agenda papier a ses limites pour l’analyse et l’organisation. Comparativement à l’agenda papier, une application informatique bien conçue facilite l’identification des phénomènes responsables du rapport malsain avec le temps que nous avons évoqué plus haut. À mon avis, l’application doit non seulement offrir la programmation d’événements dans le temps, mais aussi présenter une vue d’ensemble cohérente et claire quant à l’état de nos activités, de nos idées et de nos projets.
Conséquemment, lorsque nous éprouvons un malaise face au temps qui passe, n’y a-t-il pas lieu de voir si nos activités sont organisées de façon claire et cohérente? N’y a-t-il pas lieu d’évaluer le niveau de désordre dans nos affaires. Bien souvent, ce désordre n’est que le reflet de l’état de notre esprit? Nous voir vivre dans un perpétuel chaos peut avoir un côté amusant pour un visiteur de notre vie. Mais pour nous, vivre dans ce désordre est généralement très néfaste. Cela peut facilement hypothéquer notre énergie lorsque nous tournons à vide et que nous angoissons. Cela peut même, pour nos proches, devenir une source d’irritation et de souffrance. Sans aller dans l’excès du tout contrôler, nous devons chercher l’équilibre qui nous convient. Bien entendu, cela ne va pas résoudre la totalité de nos questions existentielles, mais mettre de l’ordre dans nos idées diminuera le stress, allègera notre vie et nous rendra plus conscients.
En partant du principe que nous disposerions de bons outils technologiques et intellectuels pour meubler notre agenda, retournons maintenant à la question plus philosophique du sens de l’existence. C’est par la somme de nos petites planifications quotidiennes que nous finissons par donner un sens à notre vie entière. Par chacun de nos choix, si petits soient-ils, nous créons notre futur. Et c’est précisément dans cette suite de moments présents que nous faisons passer, ou non, l’essentiel avant le détail. L’agenda deviendrait un lieu de création du fait qu’il offre, grâce à certaines fonctionnalités, un lieu de réflexion et d’analyse de notre passé et de notre futur. Je fais donc le pari que la qualité de cet outil peut avoir un effet bénéfique sur la qualité de notre vie en nous aidant à adopter une direction conforme à nos aspirations les plus profondes. Je suis d’avis que les pinceaux et la toile ne sont pas totalement étrangers à la qualité de l’œuvre.
Les quelques principes que j’ai énoncés m’apparaissent, en somme, liés au bonheur. D’abord, le bonheur d’une vie se construit par des actions posées au quotidien. Ensuite, les motifs de ces actions doivent être en accord avec nos aspirations profondes. Puis, les pensées claires et les activités bien organisées favorisent l’émergence d’un sens dans notre existence. Enfin, la qualité de nos pensées et de nos activités dépend des outils que nous utilisons ainsi que de notre état physique et mental.