Surabondance d’information et base de données personnelle
Pour ne rien arranger à notre quête de sens, il y a cette surabondance d’information. Bien qu’on ne puisse remettre en cause les nombreux avantages que l’abondance et la libre circulation de l’information nous apportent, il n’en demeure que l’excès en tout est néfaste. Cet excès est aussi préjudiciable que la carence. Les extrêmes étouffent la pensée critique et diminuent notre capacité à créer des connexions pertinentes entre les faits et les idées, handicapant notre compréhension de la complexité du monde et de nous-même. Le trop-plein ronge la vigueur et la rigueur de notre vie mentale. [Shenk 1998] [Tamber-Rosenau Marois] [Tammet 2008] Mais alors, comment filtrer? Comment choisir?
L’information ne nous fait pas défaut. On nage dedans. D’un côté la mer à boire et de l’autre le petit gobelet dont nous disposons. Vous est-il déjà arrivé de participer à un colloque, ou de suivre une formation intensive . De telles activités nous plongent dans un domaine spécialisé et nous inondent de données. Ces événements ont leurs raisons d’être. Logiquement, il s’en suit un travail de filtre et de discernement. Reconnaissons que nous ne le faisons pas toujours, parfois par paresse mais plus souvent parce que notre horaire nous a relancés dans une autre bataille. Pourtant, pour qu’une nouvelle connaissance nous soit utile, elle doit être non seulement assimilée mais surtout doit répondre à un besoin, un désir. Elle doit nous toucher et avoir du sens.
Et à ce sujet, nous nous attendons à ce que la technologie résolve le problème qu’elle a elle-même créé. Toute une panoplie d’applications nous sont offertes pour classer, filtrer, ordonner ce flot d’informations. Ceci dit, nous ne sommes pas naïfs, nous savons bien que les outils ne contribuent qu’à une partie de la solution. Quelle proportion de notre temps utilisons-nous pour prendre des bains d’information versus la proportion réservée à l’analyse, l’assimilation et l’intériorisation . Dans nos sociétés riches on gaspille. Nous nous goinfrons d’information par peur de manquer quelque chose. Il en résulte un embonpoint de l’esprit. Une grande partie nous entre par une oreille et sort par l’autre, elle n’aura fait qu’encombrer notre mental. Avouons que la peur d’être dépassé, de devenir incompétent, contribue à nous maintenir dans ce maelstrom. Nous misons sur la quantité, croyant qu’un grand volume de connaissance vaut d’avantage qu’un petit nombre d’analyses bien ciblées.
Nous en avons donc beaucoup. Nos réactions se situent entre la panique et l’émerveillement. Dans l’idéal, nous aimerions organiser instantanément cette information pour qu’elle ait un sens, qu’elle soit utile et accessible. En fin de compte, le défi consiste à y puiser ce dont nous avons besoin pour mieux vivre, sans qu’il ne nous en coûte démesurément trop.
Dès qu’un élément d’information a franchi les premières barrières de nos filtres mentaux et qu’il a capté notre attention, il nous faut le traiter efficacement, avec un minimum d’effort. D’ailleurs, l’effort intellectuel devrait être consacré plus à l’analyse qu’à l’organisation. Or, à l’ère numérique, ces deux concepts se mélangent. L’acte d’analyse n’est que rarement un long exercice comme autrefois. Ce n’est pas que nous n’en sommes plus capables, nous procédons autrement. D’abord nos bribes d’information sont éparpillées sur une kyrielle de supports numériques. Ensuite, nous faisons des liens, des hyperliens. Les réseaux ont remplacé les documents. Une idée réside et émerge d’un amalgame d’images et de textes, elle-même reliée à d’autres idées aussi représentées par un lieu numérique. Comment faire ?
L’humain a ce nouveau besoin d’écrire dans le numérique. Il doit consigner avec ses nouveaux outils, à sa façon, ce qui a retenu son attention. L’œuvre n’est plus tant un objet fermé sur lui-même qu’un lieu de communication en lien direct avec d’autres lieux. C’est de plus en plus ce mode d’expression qui domine. Je m’attarde à ce sujet au chapitre portant sur les principes, l’approche et les concepts. De nos jours, il est moins fréquent de présenter les intellectuels dans leur bibliothèque, adossés à un mur de livres, en guise de preuve de leur érudition. C’est que la connaissance se trouve de moins en moins dans les livres et de plus en plus dans le nuage. Il y a aussi que la connaissance se démocratise beaucoup. Voyez comment agissent les jeunes. Leurs repères sont dans le monde virtuel où ils pigent et stockent une quantité phénoménale d’information. Ils y réfèrent constamment, surtout lorsqu’ils interagissent entre eux.